Résumé du postulat
Les emprunts des collectivités publiques à la FIFA, une institution impliquée dans de nombreuses affaires de corruption, des enquêtes pénales et peu crédible en matière de respect des droits humains et environnementaux, ont récemment agité à juste titre l'opinion publique. La Ville de Fribourg a elle aussi contracté un emprunt unique de 10 millions de francs en 2022.
Parallèlement et pour les collectivités publiques, les emprunts à court terme obéissent à une réalité opérationnelle qui semble difficilement contournable. Les besoins en liquidités ne suivent pas toujours les rentrées financières nécessaires à la collectivité pour qu'elle puisse assumer ses tâches et obligations, notamment le versement des salaires et les diverses contributions à la population.
Les auteur·e·s du présent postulat ne mettent par conséquent pas en cause le principe des emprunts à court terme. Ils constatent cependant que ces emprunts se font sur une base contractuelle entre les deux parties, ne sont pas soumis à la loi sur le blanchiment d'argent et échappent à l'autorité de surveillance des marchés financiers. Dans ce contexte, il apparaît aux auteur·e·s du présent postulat que davantage de transparence permettrait une meilleure compréhension de la réalité opérationnelle de ces activités financières tout en ouvrant une base de dialogue possible, notamment au niveau des standards de durabilité et éthiques, sur la politique d'emprunt de la Ville.
Les auteur·e·s du présent postulat demandent par conséquent au Conseil communal de bien vouloir étudier la possibilité de:
- préciser la politique communale en matière d'emprunts financiers à court terme, notamment les critères appliqués;
- publier la liste exhaustive de ses créanciers ainsi que les montants empruntés par le biais de l'annexe aux comptes annuels qui "fournit des indications supplémentaires permettant d'apprécier l'état de la fortune et des revenus, les engagements et les risques financiers" (LFCo, art. 18, al. l, lettre g);
- alternativement ou additionnellement au point précédent, transmettre annuellement ladite liste à la Commission financière qui pourra en prendre connaissance et faire part à l'Exécutif de ses éventuelles observations.
Réponse du Conseil communal
- Introduction
La Ville de Fribourg, comme la majorité des communes, doit gérer une asymétrie constante entre entrées et sorties de trésorerie. Les entrées de trésorerie sont constituées notamment de recettes fiscales, de taxes et subventions perçues, de loyers encaissés et autres prestations facturées. Les sorties de trésorerie sont aussi nombreuses que variées; elles peuvent être regroupées dans de grandes catégories telles que les salaires, les factures courantes et factures d’investissement pour prestations de tiers, facturation de l’Etat ou de l’Agglo sur les charges liées ou encore les prestations sociales.
Comme le montrent les plans financiers de ces dernières années, les récentes années fiscales ont pu largement couvrir les besoins courants de la Ville de Fribourg. Cependant, les besoins d’investissement doivent, eux, être majoritairement couverts par des emprunts externes, la Commune ne générant pas assez d’autofinancement.
En finalité, les deux raisons de l’asymétrie entre entrées et sorties de trésorerie sont d’une part le timing lié à la facturation des impôts en regard des paiements courants (autofinancés sur l’année par ces rentrées fiscales) et d’autre part les dépenses d’investissement qui ne sont pas couvertes par l’autofinancement. Cependant, si à un instant donné, les liquidités disponibles permettent de payer des factures d’investissement, le recours à l’emprunt peut ne pas être effectué. Les emprunts ne sont donc pas liés à des projets d’investissement mais bien au niveau de liquidités.
La stratégie d’emprunt de la Ville de Fribourg se base sur des choix simples mais efficaces qui ont pour but de lisser les risques dans le temps et de permettre de planifier précisément les montants de charges financières à venir.
Concrètement, la Ville de Fribourg intervient sur le marché des emprunts lorsque son besoin de trésorerie prévisionnel à une ou deux semaines devient critique (entre CHF 0 et CHF 5.0 mio). Le cas échéant, le choix du montant est alors fixé en fonction d’un besoin prévisionnel sur les deux à quatre semaines à venir. Parallèlement, la Commune doit éviter d’accumuler excessivement de la trésorerie émanant de l’emprunt, ce qui lui créerait une charge financière supplémentaire de l’ordre de, actuellement, 1.5 à 2.5% d’intérêt par an ou sur lequel elle devrait payer un intérêt sur compte courant comme ces cinq dernières années en période de taux négatifs (plafond de trésorerie imposé par les banques qui facturent ensuite un intérêt débiteur sur les avoirs excédentaires).
Le choix de la durée de l’emprunt va ensuite dépendre des conditions de marchés mais également des échéances des emprunts déjà contractés par la Ville de Fribourg. Globalement, en période de taux bas, la Commune a emprunté autant à court terme (< 1an) qu’à moyen et long terme (>= 1an). Sur le long terme, les emprunts ont été répartis uniformément sur des durées plus lointaines à l’horizon 8-15 ans alors que les emprunts à court terme ont été choisis pour leurs taux négatifs, ce qui a rapporté un intérêt créditeur à la Commune. En période de taux plus élevés ou de marchés plus fluctuants, la Ville de Fribourg gère de manière plus dynamique sa trésorerie, notamment en privilégiant les emprunts à court terme afin de bénéficier de taux plus avantageux. Des emprunts à long terme sont également souscrits équitablement sur des périodes plus proches de deux à huit ans afin de lisser le risque d’une hausse de taux.
Concernant les types d’emprunts, la Ville de Fribourg se positionne exclusivement sur des emprunts à taux fixe remboursables "in fine" (à terme). Ce choix pragmatique permet une planification prévisible des flux financiers liés aux emprunts sans devoir jouer avec des hypothèses de marché dont les variables sont peu maîtrisables. En d’autres termes, il n’est pas du ressort de la Commune de "spéculer" avec sa trésorerie sur une hausse ou baisse des taux à venir en souscrivant des produits financiers plus élaborés. La Ville de Fribourg lisse donc les risques de taux dans le temps selon la ligne de conduite définie ci-dessus.
- Processus d’emprunts
Afin d’obtenir les meilleurs taux de marché selon les conditions-cadres souhaitées et au vu de la complexité du marché très spécifique des prêts aux collectivités, la Ville de Fribourg, comme la majorité des communes suisses, travaille avec deux intermédiaires financiers: Loanboox SA et Finarbit SA.
La premier intervenant, la société Loanboox SA, est une start-up suisse basée à Zurich qui offre une plateforme mettant en relation les collectivités suisses avec des prêteurs suisses. Les prêteurs sur la plateforme sont donc des entreprises suisses qui disposent d’un département trésorerie professionnalisé. Il n’y a pas d’investisseurs étrangers. Le principe de la plateforme est de mettre en concurrence, de manière transparente, les prêteurs qui décident ou non de répondre aux demandes des emprunteurs. Expérience faite, la Ville de Fribourg a obtenu d’excellents taux et peut en tout temps avoir accès aux informations de marché basées sur des statistiques d’emprunts des autres collectivités. A noter que la BCF participe systématiquement aux appels d’offre de la Ville de Fribourg sur cette plateforme. La Commune peut également approcher des prêteurs non présents sur la plateforme (Postfinance, Raiffeisen Fribourg, Cosmofunding (Vontobel)) afin de leur permettre de faire une offre.
Concernant Finarbit SA, il s’agit d’un acteur et partenaire historique, qui met en relation avec la Ville de Fribourg, via son portefeuille client, des prêteurs qu’il juge intéressants. Le profil des clients potentiels sur Finarbit est plus strict que sur Loanboox, car les prêteurs sont également choisis selon des critères éthiques et environnementaux internes à l’entreprise. Les transactions se passent par échange téléphonique et courriel. La force de cet intermédiaire financier est la rapidité et la simplicité d’exécution; il est toutefois moins transparent que son concurrent sur les offres.
La Ville de Fribourg a toujours obtenu de bons résultats avec ces deux acteurs, qui lui permettent de toucher un large panel de prêteurs sérieux et d’obtenir de meilleurs taux qu’en passant directement auprès de ces derniers (et ce malgré les commissions des intermédiaires financiers). De plus, ces deux partenaires, qui suivent le pouls du marché, offrent des conseils indispensables concernant les taux attendus et les conditions des demandes d’emprunt, ce qui permet encore d’optimiser les offres à recevoir.
A titre de comparaison, l’Etat de Fribourg travaille exclusivement avec la Banque cantonale, même si cela coûte plus cher. Il faut cependant noter qu’il est propriétaire de cette entreprise et qu’il reçoit en retour un pourcentage sur le résultat des exercices en fin d’année.
Le choix du prêteur s’effectue actuellement sur des bases factuelles dans le meilleur intérêt de la Commune. La Ville de Fribourg choisit systématiquement la meilleure offre reçue au terme du délai de soumission selon les conditions édictées en amont.
L’aspect financier est donc le principal levier de décision. Garantir cette ligne de conduite claire est également un gage de sérieux et de professionnalisme de la Commune auprès des prêteurs qui analysent chacune des demandes. Ils seront donc plus enclins à offrir régulièrement des prêts à la Ville de Fribourg s’ils constatent qu’elle suit une ligne de conduite claire.
A noter que les prêteurs contrôlent en détail les comptes et plans financiers de la Commune puis prêtent en fonction d’une notation attribuée à la Ville de Fribourg. Le marché n’est donc pas à sens unique; en fonction de cette notation et de la situation économique, la Ville de Fribourg peut recevoir plus ou moins d’offres à des taux plus ou moins avantageux. Selon la conjoncture et la santé financière prévisionnelle de la Commune, les offres peuvent donc être limitées et le financement se compliquer. La Commune ne peut donc pas se permettre de poser trop de conditions pour garantir son financement à moyen et long terme sur les marchés.
Dans la mesure où les conditions sont réunies, la Ville de Fribourg pose les critères et objectifs suivants sur le choix du prêteur:
- Meilleurs taux aux conditions demandées
- Prêteurs suisses
- Prêts en francs suisses remboursés sur compte bancaire suisse
- Domaine d’activité licite
La Commune ne fait toutefois pas de veille médiatique ni de veille de réputation du marché afin d’anticiper les cas qui seraient potentiellement problématiques à l’avenir.
Historiquement, la Commune publie tous les prêts dans les comptes annuels dans le chapitre du message lié aux charges financières et au bilan.
Au bilan, sous les rubriques 2019 (emprunts court terme) et 2063 (emprunts long terme) chaque emprunt ouvert, sur la période complète ou partielle de l’année des comptes, est listé selon les conditions obtenues.
Dans le message, sous le chapitre des charges financières, le tableau des emprunts à long terme est systématiquement publié depuis plusieurs années. Depuis 2022, la Ville de Fribourg publie également le tableau des emprunts à court terme. Le message des comptes ayant pour objet de présenter les grands enjeux financiers de manière synthétique, ce tableau n’était jusque-là pas publié car les emprunts à court terme ont un impact financier marginal à l’échelle des comptes.
Forte de ce constat, le Conseil communal entend maintenir l’approche pragmatique et transparente actuelle. La Commission financière peut en tout temps demander des informations complémentaires sur les emprunts de manière annuelle au message des comptes et au bilan.
Au vu de ce qui précède, le Conseil communal estime répondre, depuis la publication du message lié aux compte 2022, aux préoccupations de ce postulat.
Le postulat no 96 est ainsi liquidé.