I. Sob (Le Centre/PVL), E. Nobs (CG-PCS), O. Gex (PLR) et A. Fontes Martins (Le Centre/PVL)
Développement du postulat
Le Conseil communal est prié d'examiner la possibilité de créer un fond de soutien destiné aux habitant·e·s de la ville de Fribourg pour les aider à financer leurs soins dentaires.
Ce fond de soutien permettrait aux personnes qui ne sont pas éligibles à l'aide sociale, et donc pour lesquelles la Ville n'accorde aucune aide financière, d'obtenir un soutien, sur la base d'un prêt sans intérêt, pour payer les soins dentaires lorsqu'elles ne sont pas au bénéfice d'une assurance maladie complémentaire.
Actuellement en Suisse, les soins dentaires ne sont en principe pas remboursés par l'assurance de base LAMal (cf. explications de la Confédération). Une enquête réalisée par l'OFS en 2019 révélait qu'entre 2 et 5% de la population suisse résidante de 16 ans ou plus avait été privée de soins dentaires pour des raisons financières (cf. Enquête de l'OFS de 2019 sur l'accès aux soins).
Le Canton de Fribourg (DSAS) et la Société fribourgeoise des médecins-dentistes (SSO-Fribourg) se sont associés pour mettre en place la distribution de bons dentaires aux élèves de 2ème HarmoS qui bénéficient au moins d'un contrôle dentaire gratuit (hors prise en charge de soins si le contrôle devait mettre à jour la nécessité d'intervenir).
Sur son site internet, le Canton de Fribourg informe également les parents de condition modeste qu'ils peuvent s'adresser à l'administration de leur commune de domicile qui est compétente pour décider du subventionnement des contrôles et des soins dentaires pour leurs enfants (cf. page internet "Des contrôles annuels et des soins dentaires" du Canton de Fribourg). Dans son règlement communal du 31 octobre 2017 relatif à la participation communale aux coûts des traitements dentaires scolaires (RSVF; 202.1), la Ville de Fribourg pose les conditions pour l'octroi d'une aide financière pour les soins dentaires. À ce jour, seuls les parents dans une situation économique modeste, pour les soins dentaires de leurs enfants, peuvent être bénéficiaires d'une aide financière de la Ville.
Ainsi, même s'il est vrai que le Canton et la Commune ont mis en place des mesures pour faciliter l'accès aux soins des mineurs scolarisés, leurs parents et les autres adultes, notamment les jeunes adultes majeurs depuis peu, confrontés à la réalité de leurs nouvelles responsabilités (établissement de la déclaration fiscale, droit/obligation de vote, paiement des primes maladie, etc.), sont livrés à eux-mêmes et ne bénéficient, hors soutien familial pour celles et ceux qui peuvent compter sur un tel soutien financier (prêt ou don de proches), souvent d'aucune solution et doivent reporter le traitement de soins dentaires nécessaires car ils ne sont pas accessibles, en courant le risque d'une péjoration de la situation.
Se déplacer à l'étranger est également monnaie courante pour accéder à des soins dentaires accessibles financièrement. En effet, une enquête réalisée par la SSO en 2017, et relayée par la RTS le 7 février 2018, arrivait à la conclusion qu'en Suisse, plus d'une personne sur 5 s'était déjà rendue chez le dentiste à l'étranger.
Afin de remédier à cette situation et permettre à tout un chacun de pouvoir avoir accès à des soins dentaires nécessaires, nous demandons au Conseil communal d'étudier la possibilité de créer un fonds de soutien pour les soins dentaires. L'Etat de Vaud octroie des aides qualifiées de "casuelles" pour les personnes en difficultés financières qui ne bénéficient pas de l'aide sociale ou d'autres prestations sociales. C'est justement cette tranche de la population, trop riche pour que ces soins soient pris en charge par l'Etat, et pas assez pour se les payer, que nous visons par notre proposition.
D'autres cantons romands peuvent compter sur l'existence de fondations d'utilité publique (comme la fondation Point d'eau à Lausanne) qui octroient des aides financières privées ponctuellement.
En juillet 2022, le Canton de Fribourg avec la SSO ont publié une brochure (Les soins des dents: qui va les payer?) en langage simplifiée sur ce sujet, démarche que nous saluons. Cette brochure de 16 pages donne des pistes de prise en charge pertinentes pour certains groupes fragilisés comme les séniors ou les bénéficiaires de prestations Al. Les pistes pour les personnes adultes à faible revenu et qui ne peuvent pas payer les sommes importantes pour les soins dentaires dont ils auraient besoin (malgré, peut-être, la possibilité d'avoir des facilités de paiement par tranches, par exemple) restent peu nombreuses.
Une personne qui m'avait confié avoir sollicité le Service de l'aide sociale de la Ville pour obtenir un prêt afin de pouvoir payer les quelques milliers de francs de traitement de sa parodontie, avait été reçue très sèchement par une employée de la Ville qui l'a informé que s'il "tombait un jour au social", ce genre de soins serait pris en charge par la collectivité publique mais qu'en l'état, il n'avait d'autre choix que de recourir à un emprunt privé (crédit à la consommation avec des taux allant jusqu'à 10% d'intérêts) pour se soigner.
Particulièrement choquée par cette réponse, je vous invite à soutenir notre postulât. En modifiant quelque peu son règlement "dentaire scolaire"et en créant un fonds dont le montant pourrait être plafonné annuellement, à intérêt 0%, la Ville de Fribourg ferait un geste important pour faciliter l'accès à des soins dentaires de qualité pour ses habitant·e·s, sans que l'impact financier de cette mesure ne soit trop important. Si ces personnes sont éligibles pour un crédit à la consommation, il ne fait aucun doute que la Ville pourra mettre en place des critères aussi souples que possible mais aussi restrictifs que nécessaire pour garantir le bon fonctionnement dudit fonds.
Sortir les soins dentaires de l'assurance de base, comme si une dentition en pleine santé ne contribuait pas à une bonne santé générale, est une situation très particulière, voire inédite si on compare notre situation avec celle de nos voisin·e·s : la Suisse n'est pas seulement un îlot de cherté pour les articles de consommation courante, comme le logement, elle l'est également pour la santé dentaire.
Fribourg, le 4 avril 2023