Résumé du postulat
Le présent postulat propose d'étudier deux questions.
1) Faire une évaluation (qualitative et quantitative) de l'exercice du droit de citoyenneté en ville de Fribourg, depuis qu'il est en vigueur, afin d'une part d'avoir une image objectivée du nombre de votant·e·s, éventuellement de certaines de leurs caractéristiques (âge, genre, nationalité, etc.) et d'autre part, de comprendre également les facteurs qui facilitent ou empêchent l'exercice de ce droit, ceci afin de pouvoir consolider ceux qui apparaîtraient comme des leviers.
2) Sur la base de ces constats, concevoir et développer un ensemble de mesures incitatives individuelles et collectives pour informer plus précisément ces personnes, les soutenir dans l'exercice de ce droit, en complément de la toute nouvelle incitation du Bureau cantonal de l’intégration des migrant·e·s et la prévention du racisme (IMR) qui, par un courrier personnalisé informe les personnes concernées de leur droit avant une prochaine votation.
Réponse du Conseil communal
Evaluation de l’exercice du droit de citoyenneté active des étranger·ère·s domicilié·e·s depuis au moins cinq ans dans la commune et au bénéfice d’un permis C
La Constitution fribourgeoise prévoit le droit de voter et d’élire en matière communale pour les personnes au bénéfice d’un permis d’établissement (permis C) et domiciliées depuis cinq ans au moins dans la commune.
Dans la pratique, ces personnes sont ajoutées automatiquement par le système informatique dans le registre électoral. Elles reçoivent donc, dès la 5ème année de domiciliation, le matériel de vote, y compris les brochures explicatives, pour tous les objets communaux.
La Ville de Fribourg ne dispose cependant pas de statistiques liées au taux de participation au droit de vote communal des personnes de nationalité étrangère au bénéfice d’un permis d’établissement (permis C). Le taux de participation englobe la totalité des votants (Suisses + permis C). En effet, les règles en vigueur en matière de protection des données ainsi que le secret lié au vote électoral, ne permettent pas d’avoir accès à ces données sensibles.
Cependant, en 2015, le canton de Genève a mandaté le Forum Suisse pour l’étude des migrations (SFM) pour réaliser une étude sur la participation des résidents étrangers aux élection municipales d’avril 2015 à Genève[1]. Les chercheurs ont également comparé les résultats obtenus avec d’autres études menées sur le plan international. Pensant que les résultats d’une telle étude peuvent être transposables à la réalité fribourgeoise, et compte tenu des coûts que représenterait une telle étude, il est proposé d’y renoncer et de s’appuyer sur les résultats obtenus à Genève.
Ainsi, concernant le taux de participation des personnes d’origine immigrée, l’étude pose les constats suivants:
- la littérature scientifique internationale relève systématiquement que la participation aux élections des populations d’origine immigrée est inférieure à celle des autochtones;
- le taux de participation des étrangers (27,7%) au premier tour des élections communales d’avril 2015 dans le canton de Genève est inférieur à celui des citoyens suisses (41,5%).
Les raisons de la non-participation exposées dans l’étude sont les suivantes:
- Environ la moitié des non-votants, toutes origines confondues, mentionnent l’absence d’intérêt pour la chose publique comme raison principale, tout spécialement les ressortissants suisses et ceux des traditionnels pays européens d’immigration.
- La non-participation est mise en relation avec une connaissance insuffisante de ses propres droits, des candidats en lice ainsi que du système électoral.
- 10% des ayant droit francophones (qu’ils soient Suisses ou Français) disent avoir ignoré ce droit, un pourcentage qui s’élève à 20% pour les électeurs provenant de pays non-francophones. Ces chiffres peuvent surprendre puisque l’exercice du droit de vote en Suisse est automatique et non soumis à enregistrement préalable sur des listes électorales et que les ressortissants étrangers reçoivent un courrier personnalisé des autorités les invitant à prendre part au vote.
L’importance de l’impact de l’ignorance du droit de vote sur la participation est corroborée par l’étude de l’impact de la campagne d’information genevoise:
o Le déficit d’information concernait environ 28% des étrangers: 11% ont été renseignés de leur droit par le sondage, alors que 17% ont été sensibilisés par la campagne officielle.
o La campagne d’information a permis à une personne étrangère sur six d’apprendre pour la première fois son droit au vote et même si tous n’en ont pas fait usage, cela a contribué à augmenter, de manière peu importante, le taux de participation des étrangers de 27% en 2011 à 27,8% en 2015 et à réduire l’écart entre le taux de participation d’avec les Suisses, passé de 16,3 en 2011 à 13,7 points en 2015.
- Le fait de se sentir discriminé a un impact sur la participation électorale: les personnes se sentant discriminées sont moins nombreuses à voter que celles qui ne se sentent pas discriminées (52% vs. 60%). Or, peu de répondants étrangers (7%) disent se sentir discriminés, de sorte que cette variable n’a pas été retenue ultérieurement.
Les leviers de participation observés dans le cadre de cette étude sont les suivants:
- le comportement électoral des résidents change à mesure qu’augmentent leurs connaissances des institutions. Ceci est notamment lié à la durée de leur résidence;
- la participation associative est plus fréquente chez les votants;
- les électeurs sont plus enclins à s’identifier avec leur lieu de résidence et manifestent une plus grande proximité avec la municipalité que les non-votants;
- entretenir des contacts avec les autochtones est tendanciellement plus fréquent chez les votants sans pour autant se traduire en un écart significatif entre votants et non-votants.
Les autres considérations intéressantes de cette étude sont les suivantes:
- le groupe des votants se distingue significativement de celui des non-votants sur des variables telles que l’âge, le niveau de formation et le revenu (plus ils sont élevés et plus il y a de participation au vote);
- les données réunies dans le cadre de cette enquête montrent un écart non significatif entre les hommes et les femmes, confortant ainsi la thèse d’une progressive similitude entre femmes et hommes quant à la participation politique;
- les immigrants socialisés dans des pays non-démocratiques sont moins enclins à participer aux élections que les immigrés socialisés dans des pays industriels, démocratiques. Cependant les raisons invoquées pour ne pas prendre part aux élections ne diffèrent pas de manière systématique et substantielle selon l’origine nationale des enquêtés;
- si les ressortissant·e·s étrangers s’identifient avec la commune et ont confiance dans les autorités locales, ils votent davantage que les ressortissants suisses. Cela met en évidence les potentialités d’une mobilisation locale des autorités / candidats pour l’implication des étrangers.
Les mesures à adopter sur la base des résultats de l’étude genevoise
Sur la base des constats relevés dans l’étude précitée, les mesures identifiées comme étant pertinentes pour favoriser l’exercice du droit de citoyenneté active des étranger·ère·s domicilié·e·s depuis au moins cinq ans dans la commune et au bénéfice d’un permis C sont développées dans les paragraphes suivants. Certaines d’entre-elles sont déjà en phase de réalisation.
Les mesures d’ordre général:
- Il est difficile de développer des mesures ayant une influence sur des variables telles que l’âge, le niveau de formation et le revenu, dont dépend la participation au droit de vote. Cependant, pour les jeunes citoyens, âgés de 18 à 25 ans, la Ville de Fribourg collabore avec le programme easyvote, dont le but est d’augmenter sur le long terme la participation des jeunes aux votations et aux élections. Ce programme diffuse notamment des informations au sujet des votations, des élections et de thématiques politiques actuelles pour ce public-cible.
- Des mesures visant à éveiller l’intérêt pour la politique sont à l’étude, à l’instar du groupe de travail interpartis dont la constitution a été annoncée en septembre 2022 par communiqué de presse à l’occasion de la Journée internationale de la démocratie du 15 septembre. Ce dernier regroupe les principales formations politiques du canton et vise à trouver "des moyens de stimuler la participation à la vie publique". Il s’agira de sensibiliser ce groupe à la problématique spécifique de l’exercice du droit de citoyenneté par les étrangers.
- La promotion de la participation à des activités associatives se fait à l’occasion de la Manifestation de Bienvenue organisée chaque année depuis 10 ans pour les nouveaux habitant·e·s. Tou·te·s les habitant·e·s y sont convié·e·s, y compris les ressortissant·e·s étranger·ère·s. Par ailleurs, la Ville a donné mandat à l’association REPER, via les centres d’animations socioculturelles, de développer des Points Info quartiers afin de dispenser toutes sortes d’informations pertinentes pour les primo-arrivants, y compris celles liées à la vie associative dans les quartiers. De plus, la Ville promeut l’engagement citoyen au travers de son programme Fribourg Sympa.
- Des mesures visant à favoriser des projets permettant d’accroître les contacts entre les ressortissant·e·s étranger·ère·s et les autochtones sont soutenus par la Ville dans le cadre de l’appel à projet "agir ensemble", en collaboration avec l’IMR.
Les deux derniers trains de mesures visent à renforcer l’identification des citoyens avec leur lieu de résidence.
Les mesures spécifiques:
- Des mesures visant à transmettre des informations relatives au droit de vote du public cible spécifique de ce postulat vont être poursuivies et développées pour les prochaines élections, en collaboration avec l’IMR. Aux dernières élections communales, la Ville avait déjà collaboré avec l’IMR sur ce dossier.
- L’étude genevoise a mis en évidence le potentiel d’une mobilisation locale des candidats pour l’implication des étranger·ère·s dans l’exercice de leur droit de vote. Cette dernière mesure ne relève cependant pas de la compétence de la Ville.
En conclusion, le Conseil communal est en mesure de répondre à ce postulat de la manière suivante:
Le Conseil communal est conscient du fait que la participation aux élections et votations des populations d’origine immigrée est très probablement inférieure à celle des autochtones à Fribourg. Afin d’y remédier, la Ville continuera à mettre en œuvre des mesures d’ordre général à travers son programme d’intégration (PIF bis) et collaborera activement avec l’IMR lors des prochaines élections communales afin d’informer le public cible de son droit de vote.
Le postulat n° 182 est ainsi liquidé.
[1] Rosita Fibi, Didier Ruedin: La participation des résidents étrangers aux élections municipales d’avril 2015 à Genève, SFM, 2016.