Postulat n° 157 - Rapport final du Conseil communal

Résumé du postulat 

Le Conseil communal est chargé d’étudier la possibilité d’instaurer un monitoring de la pauvreté en Ville de Fribourg. Le taux de pauvreté dans le canton avant le confinement du printemps 2020 était de 3%, avec une concentration au niveau des villes (4.8% en Ville de Fribourg).

Les postulants relèvent que le Canton établit régulièrement un rapport sur la situation sociale et la pauvreté, qui fait état de la situation actuelle et prend en compte les défis futurs, notamment la pauvreté des enfants. Cet instrument de gouvernance serait un moyen de resserrer la collaboration entre la Ville et le Canton, pour avoir une vue d’ensemble plus précise et mettre en œuvre des politiques plus cohérentes.

Réponse du Conseil communal

1.         Objectifs visés par le postulat

Nous pouvons tirer les trois objectifs suivants du postulat tel que présenté.

Le premier consiste à disposer d’un outil de collecte et de suivi des données permettant de mesurer le taux de pauvreté en Ville de Fribourg et à en suivre l’évolution sur la durée.

Le second consiste à disposer d’un outil propre à resserrer la collaboration entre la Ville et le Canton.

En fin de compte, l’objectif final est de mettre en œuvre des politiques sociales plus cohérentes.

Nous allons examiner les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs, tout en rappelant le cadre légal et les outils existants.

2.         Données et analyse

2.1.     DONNEES

2.1.1.  Collecte des données

Selon les derniers chiffres disponibles, et comme le relèvent les postulants, le taux de pauvreté s’élevait à 4.8% de la population en Ville de Fribourg en 2016[1].

Pour déterminer le niveau de pauvreté, les données relatives aux prestations sociales sous condition de ressources sont nécessaires. Or, l’un des constats établis par la Direction de la santé et des affaires sociales (DSAS) au début des travaux sur le rapport sur la pauvreté porte sur la faible quantité de données disponibles pour décrire et analyser la situation sociale et la pauvreté tant au niveau quantitatif que qualitatif (page 6 et pages 19 et suivantes du rapport). L’accent a été mis sur les données fiscales, en relevant principalement qu’il n’a pas été possible de prendre en compte les données fiscales des étrangers imposés à la source, notamment les titulaires de permis B. Or, il s’agit là des étrangers arrivés récemment dans le canton et susceptibles d’être fortement représentés dans la population précarisée, ce qui fait certainement apparaître des résultats inférieurs à la réalité. La DSAS évalue avec les autres services de l’Etat si ces données pourront être prises en compte dans les rapports suivants.

Pour rédiger le rapport sur la pauvreté, les indicateurs suivants ont été retenus par la DSAS:

-           Contrôle habitant                                                           disponibles

-           Aide sociale                                                                       disponibles

-           Données fiscales                                                             disponibles (sous réserve)

-           Subsides de formation                                                 non disponibles

-           Prestations complémentaires PC AVS/AI              non disponibles

La Ville de Fribourg dispose de l’accès à certaines données, mais pas à toutes.

Les deux premières catégories de données sont connues de la Ville de Fribourg pour la population domiciliée sur le territoire communal. Par son service social, la Ville collecte également les données d’aide sociale et les transmet à l’Office fédéral de la statistique (OFS), dans le cadre du programme SOSTAT (saisie, administration, exploitation et exportation des données). Concernant les données fiscales, elles sont en partie accessibles, dans la mesure où les données relatives à des éléments de taxation sis en dehors du territoire communal ne sont pas accessibles (par ex. liés à un immeuble). Quant aux données relatives aux subsides de formation et aux PC AVS/AI, traitées exclusivement par des services de l’Etat, elles ne sont pas à disposition des autorités communales.

2.1.2.  Traitement des données

Le fait de pouvoir accéder aux données ne suffit toutefois pas. En effet, la législation sur la protection des données prévoit de nombreuses conditions pour constituer un fichier et pour traiter les données qu’il contient, notamment l’existence d’une base légale formelle (cf. art. 4 et suivants de la Loi sur la protection des données; LPrD; RSF 17.1). C’est ainsi que la Loi cantonale sur l’aide sociale (LASoc; RSF 831.0.1) a dû être complétée par les articles 34c et 34d pour permettre au Service cantonal de l’action sociale (SASoc) de collecter et traiter les données utilisées pour le rapport sur la situation sociale et la pauvreté.

Le SASoc ne peut utiliser ces données que dans le cadre de ce rapport, de telle sorte que ce service ne pourrait pas transmettre à la Ville de Fribourg les données relatives à ses habitants pour qu’elle les utilise.

Actuellement, il n’y a pas de base légale permettant à une commune de collecter et traiter les données relatives à sa population en matière de pauvreté.

2.1.3.  Non-recours aux prestations

La crise sanitaire a mis en évidence le phénomène du non-recours aux prestations sociales au sens large. Le constat a été posé qu’une partie de la population précarisée sollicitait des aides alimentaires auprès d’associations sans êtes connue des services publics. Cette frange de la population n’apparaît en principe pas dans les données citées plus haut, soit que ces personnes ne sont pas annoncées auprès du Contrôle communal de l’habitant (Suisses) et/ou du Service cantonal de la population et des migrants (étrangers clandestins), soit qu’elles figurent bien dans les registres d’habitants mais renoncent à faire valoir leurs droits aux prestations sociales pour divers motifs (par ex. crainte de s’endetter ou de mettre en danger un titre de séjour pour un étranger, autres motifs).

Mesurer ce phénomène qui ne ressort pas vraiment des données statistiques est complexe.

2.2.     ANALYSE

Les données doivent être collectées et analysées sur une longue période si l’on veut mettre en évidence l’évolution passée et prévoir des tendances futures, afin de disposer d’une aide à la décision. Mettre en place un tel outil peut être considéré comme une tâche pérenne.

La Ville n’a pas de service chargé des questions statistiques. Le service de l’aide sociale assure la saisie des données SOSTAT selon les critères de l’OFS, dans le cadre de ses tâches courantes notamment lors de l’ouverture et fermeture des dossiers sociaux. Ces données sont aussi utiles pour remplir les tâches d’aide sociale.

Créer une nouvelle base de données sur la pauvreté, avec une recherche plus étendues de données et en effectuant l’analyse supposerait d’accorder des moyens supplémentaires en personnel spécialisé ou en mandatant des tiers.

3.         Collaboration entre Ville et Canton

En lien avec l’aide sociale, la politique visant à prévenir et lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et des mesures générales relatives à l'information, à la prévention et à la formation relèvent de l’Etat; les communes sont quant à elles chargées de la mise en œuvre de l’aide sociale auprès des bénéficiaires (cf. art. 15 et 21 LASoc). Dans le but d’une utilisation efficace des moyens, le principe général de prévention doit être considéré comme supérieur à l’octroi d’une aide matérielle individuelle. Dans ce sens, les communes doivent réfléchir à des stratégies cohérentes en collaboration avec le canton.

De nombreux problèmes sociaux sont pris en considération au niveau cantonal (par ex. prise en charge des personnes toxicodépendantes; aide aux victimes d’infraction; hébergement d’urgence de jour et de nuit). Au niveau des communes, créer et développer leurs propres mesures fait sens pour des besoins bien spécifiques, en lien avec des particularités locales.

Comme expliqué ci-dessus, créer un propre outil de mesure et d’analyse de la pauvreté au niveau de la Ville, n’est pas possible sans moyens supplémentaires. Nous estimons que le renforcement de la collaboration entre la Ville et le Canton passe par un outil commun ou du moins établi en étroite collaboration avec l’Etat.

Cet outil existe au niveau cantonal, à savoir le rapport de législature sur la situation sociale et la pauvreté. Après une première édition en 2016, le prochain rapport est attendu pour la fin 2022, selon nos informations.

L’établissement d’un tel rapport nécessite un immense travail des services concernés de l’Etat et nous ne pouvons que saluer le résultat, étant conscient que des améliorations sont possibles et prévues (cf. par ex. la prise en compte des données fiscales des personnes imposées à la source).

La LASoc ne prévoit actuellement pas de manière explicite l’intégration des communes, respectivement la prise en compte de leurs besoins spécifiques dans le processus d’élaboration du rapport sur la pauvreté. Toutefois, les articles 34 c et d de la LASoc n’excluent a priori pas la possibilité de collecter et d’analyser les données par région ou par communes dans le cadre du rapport sur la pauvreté. C’est ainsi que la DSAS a d’ailleurs présenté certains résultats par communes ou par région (par ex. la carte par communes, page 91). La question d’un éventuel financement par les communes va également se poser en lien avec la prise en compte de leurs attentes.

Si les dispositions actuelles de la LASoc (art. 34 c et d) devaient être adaptées ou complétées sur ces différents points, la révision en cours de la LASoc constitue une bonne opportunité de le faire. En l’état, nous ne savons pas encore si les communes auront encore l’occasion de faire valoir leur avis dans cette révision. Si ce devait être le cas, nous ne manquerons pas de le faire. Si cette occasion ne se présente plus, ces points pourraient être relayer par des députés issus des communes lors des travaux législatifs du Grand Conseil.

Afin de prendre en compte les spécificités de certaines communes notamment urbaines, notre service a abordé le SASoc afin de voir dans quelle mesure les futurs rapports pourraient mettre l’accent sur nos particularités. Nous estimons aussi que l’ACF pourrait être associée à cette démarche, afin de transmettre au SASoc les attentes diverses des communes.

Cette manière de faire permet d’une part de disposer de données plus fines, au niveau communal ou régional, et d’autre part de renforcer la collaboration entre communes et Canton dans le cadre du rapport sur la situation sociale et la pauvreté.

4.         Cohérence des mesures de politique sociale

Instaurer une collaboration plus étroite entre communes et Canton lors de l’établissement du rapport sur la situation sociale et la pauvreté permettra également d’être associé de manière plus proche à la détermination des mesures de politique sociale. De plus, en disposant de données régionales voire communales, la Ville de Fribourg disposera d’un outil d’aide à la décision pour faire évoluer sa politique sociale et prendre des mesures au niveau communal.

Conclusion

Au vu de ce qui précède, le Conseil communal propose:

-           De renoncer à la création d’un outil de monitoring de la pauvreté propre à la Ville, pour des raisons juridiques, de coûts et d’efficience;

-           D’aborder l’ACF afin de négocier avec le Canton la prise en compte des besoins spécifiques des communes lors de l’établissement des prochains rapports sur la situation sociale et la pauvreté par le SASoc, cas échéant avec une participation financière des communes concernées;

-           Subsidiairement, faute d’intérêt de l’ACF ou d’autres communes, de négocier directement les points précités avec le Canton;

-           Si nécessaire et dans la mesure où les communes seront encore consultées dans le cadre de la révision en cours de la LAsoc, de proposer des adaptations ou des précisions sur les dispositions légales existantes relatives au rapport sur la pauvreté.

Le postulat n° 157 est ainsi liquidé.

[1] Source: Rapport sur la situation sociale et la pauvreté dans le canton de Fribourg 2016, Direction de la santé et des affaires sociales (DSAS), page 92; ci-après "le rapport sur la pauvreté"