Résumé du postulat
Le postulat revient sur le fait qu’en l’espace de trois décennies, près de 75% des insectes ont disparu d’Europe. Cet état de fait n’est que la partie visible d’un phénomène plus général qu’est le déclin généralisé de la biodiversité. Parmi ces insectes décimés, les abeilles domestiques occupent une place particulière. En Suisse, ce sont environ 50% des colonies qui, trop faibles, meurent hiver après hiver. L’usage intensif des herbicides et pesticides, de même que le mitage du territoire, sont les principales causes de cette disparition.
A la vue de ces arguments culturels, économiques et de protection de la nature, les auteurs du postulat demandent au Conseil communal d’étudier dans quelle mesure la Ville peut participer activement à la protection des abeilles sauvages et domestiques, par exemple :
- En formant un-e employé-e de la Ville à l’écologie et à la biologie des abeilles sauvages et domestiques, ainsi qu’aux méthodes de base de l’apiculture (cours de l’institut agricole de Grangeneuve[1])
- En se dotant de quelques ruches à abeilles domestiques et sauvages et en les implantant dans un endroit approprié, tant pour les abeilles que pour la visibilité à la population.
- En menant une action de sensibilisation et d’éducation par l’usage de panneaux explicatifs aux abords du site retenu.
Réponse du Conseil communal
En réponse au présent postulat n°92, le Conseil communal revient sur les éléments suivants :
1. Situation des abeilles sauvages et domestiques ainsi que des insectes en général
En Suisse, on dénombre 600 espèces d’abeilles environ, dont une seule est domestique. Pour s’établir et être protégées, ces abeilles ont besoin de bonnes ressources alimentaires, impliquant une offre en fleurs suffisante et variée, des lieux de nidification spécifiques, tels du bois mort, des tiges creuses, des cavités dans les arbres ou encore d’anciennes coquilles d’escargots ainsi que des matériaux à disposition pour la construction du nid comme de la terre, des cailloux ou de la résine. Les abeilles sauvages participent majoritairement à la pollinisation des plantes sauvages et cultivées. Ce service de pollinisation a une forte valeur économique puisqu’il est estimé à plusieurs centaines de milliards par an au niveau international.
Cependant, en Suisse, les abeilles représentent moins de 7% des espèces d’hyménoptères[2], qui eux-mêmes ne représentent que 30% de toutes les espèces d’insectes présentes sur notre territoire. Depuis 2017, la publication et la médiatisation d’une étude menée en Allemagne mettent en évidence un déclin estimé à 76% dans des zones pourtant protégées depuis 1989, ayant une atteinte considérable sur l’équilibre de nos écosystèmes. Le 27 août 2019, la motion « élucider la disparition des insectes » visant à mettre un terme à la disparition des insectes grâce à un ensemble de mesures, a été acceptée à l’unanimité par la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national (CEATE-N)[3].
Fort de ce constat, le Conseil communal souhaite non seulement promouvoir et continuer à offrir de bonnes conditions aux abeilles sauvages et domestiques, mais surtout aux insectes en général présents sur le territoire communal.
2. Situation actuelle à Fribourg
La Ville de Fribourg est déjà active sur plusieurs plans afin de favoriser ou protéger les abeilles et insectes dans le milieu urbain, que ça soit en terme de planification, des mesures, de l’entretien, de la sensibilisation ou de la mise en valeur des compétences acquises sur ce thème par plusieurs collaborateurs et collaboratrices.
D’abord, en terme de planification, le nouveau Plan d’aménagement local (PAL) comprend la préservation d’une diversité des habitats qui favorisera les milieux pour les abeilles et insectes. En particulier, le Plan paysage vise à préserver et valoriser la Sarine et connecter ses vallons, mettre en valeur les collines et les connecter avec la ville afin de renforcer la qualité paysagère et le potentiel de biodiversité du tissu urbain. Mais il comprend aussi la préservation et l’incitation à l’amélioration de la qualité paysagère et de la biodiversité dans les jardins et espaces verts privés. Quant au Plan de protection environnemental, il protège les boisements hors forêts et les arbres avec une certaine qualité écologique abritant de nombreux d’insectes. De ce Plan d’aménagement découlent de multiples mesures qui ont ou auront un impact sur la diversité des insectes par la création, le réaménagement ou la revitalisation de milieux.
Ainsi, les mesures « Nature en ville » initiées par la Ville de Fribourg en 2019 avec la participation du Jardin botanique et dont le chef de projet est formé également à l’apiculture, consistent à la mise en place de prairies fleuries, de massifs de plantes vivaces ou de plantes rudérales créant ainsi de multiples biotopes favorables aux insectes ainsi qu’à la petite faune.
Puis, l’entretien des surfaces vertes, effectué par les secteurs Voirie et Parcs et promenades, veille également à favoriser la santé des abeilles. A titre d’exemple, du bois mort est laissé à même le sol, là où cela est possible, afin de fournir des lieux de nidification pour les abeilles solitaires. De même, les jardiniers, qui comptent dans leurs rangs un apiculteur, veillent où cela est possible, à espacer les tontes ou à laisser des zones refuges afin de permettre les cycles de reproduction des insectes en assurant une bonne ressource en nourriture. Le secteur des Parcs et promenades vise également à limiter la quantité de produits phytosanitaires néfastes aux insectes en général, et veille à assurer une diversité d’espèces de plantes lors de la création de nouvelles plantations afin de favoriser, là aussi, une diversité d’insectes.
Ensuite, le monitoring et l’évaluation constants permettent d’améliorer encore les mesures et l’entretien favorables aux insectes. En ce sens, des indicateurs de qualité du vert urbain ont été identifiés par un projet de recherche porté par l’EPFL, qui permettront de mesurer l’évolution du territoire en intégrant la « naturalité » du vert urbain. La Ville de Fribourg a aussi initié en octobre 2019 le programme Villeverte consistant en l’évaluation de la biodiversité et des habitudes d’entretien, notamment des régimes de fauche ou de l’utilisation des produits phytosanitaires ou de l’élimination des insectes néophytes. Des améliorations pourront probablement en découler afin d’assurer, à long terme, une gestion favorable aux insectes indigènes.
De plus, le Conseil communal a souhaité favoriser la protection des insectes, notamment par la sensibilisation. En ce sens, plusieurs articles du bulletin communal « 1700 » ont traité du sujet en général de septembre 2018 à juin 2019. Puis, un prospectus a été d’ores et déjà distribué aux citoyens lors de conférences et manifestations afin de promouvoir des jardins « durables ». Enfin, la Charte des Jardins[4], qui poursuit également cet objectif, est proposée aux propriétaires privés ou jardins communautaires.
Enfin, concernant les abeilles domestiques en particulier, des emplacements ont déjà été mis à disposition depuis quelques années. Par exemple, certaines ruches sont présentes au cimetière et gérées par un collaborateur de la Ville, tandis qu’un emplacement est occupé dans le boisement à proximité des Grand-Places. Enfin, la Ville de Fribourg a aménagé l’infrastructure nécessaire à la pose de ruches sur le toit du Cycle d’orientation du Belluard ; un enseignant y a déposé quelques ruches grâce auxquelles il offre des leçons didactiques aux élèves de l’école.
3. Ce que le Conseil communal envisage
Dans le futur, le Conseil communal poursuivra ses efforts et participera, comme suggéré par le dépôt du présent postulat, à la protection des abeilles sauvages, abeilles domestiques et insectes en général. En particulier, le projet « Nature en Ville » qui se poursuivra, permettra de promouvoir sans doute les populations d’insectes. Prochainement, la revitalisation de la Sarine permettra également de favoriser des habitats riches en espèces en laissant également certaines surfaces préservées de la population et proche de l’état naturel favorables aux insectes.
Parallèlement au diagnostic dans le cadre de Villeverte, un projet sur la biodiversité en ville de Fribourg permettra d’évaluer les mesures de protection spécifiques au niveau des espèces d’insectes. En effet, ce projet mettra en évidence les différents milieux – humides, secs, forestiers, etc. – et leur connexion ainsi que la trame concernant les insectes nocturnes sensibles à la lumière artificielle.
En outre, entre le 22 mai et le 6 juin 2020, incluant la semaine de la durabilité, le secteur Energie et développement durable mettra en avant les actions menées par les associations et proposera également quelques activités afin de susciter la fascination pour les insectes et la connaissance de ces animaux, afin que la population puisse les protéger au mieux. En particulier, des apiculteurs actifs et notamment des collaborateurs de la Ville de Fribourg pourront présenter leurs ruchers à la population.
En ce qui concerne les abeilles sauvages spécifiquement, l’implantation de petits hôtels à insectes favorisant un certain cortège d’abeilles et guêpes solitaires permet d’aider un peu ces populations à survivre dans nos villes et contribue à favoriser toute la chaîne alimentaire puisque l’augmentation du nombre d’insectes favorise les prédateurs tels les araignées ou les oiseaux. Dans cette idée, certains hôtels à insectes ont été mis en place, notamment dans le verger haute-tige du Jura. Cette action avait été initiée par Pro Natura. En 2020, trois hôtels à insectes supplémentaires seront implémentés sur le territoire communal. Ce projet est une mesure de compensation proposée par la Direction cantonale de l'instruction publique, de la culture et du sport (DICS), en collaboration avec le secteur Energie et développement durable, suite à la journée de remise des prix du concours intercantonal « Environnement & Jeunesse »[5] dont la rencontre a eu lieu à Fribourg au mois de juin 2019. La création de ces hôtels à insectes sera faite de manière participative et intégrée dans un projet social. Ce moyen sera également l’occasion de sensibiliser la population et plus particulièrement les écoles sur cette thématique. Dans le contexte des néophytes et du changement climatique, une attention particulière sera donnée à l’arrivée possible d’une guêpe solitaire américaine et d’une abeille sauvage d’Asie afin de ne pas les favoriser.
Enfin, bien que les abeilles domestiques ne soient qu’une espèce parmi les abeilles suisses, le Conseil communal souhaite renforcer la présence de ruches sur le territoire en veillant à ne pas dépasser les seuils où celles-ci pourraient entrer en concurrence avec les pollinisateurs indigènes. Si des ruches sont déjà présentes sur le domaine communal, une biologiste du secteur Energie et développement durable et un collaborateur de l’Administration communale, également inspecteur des ruchers du Canton, en collaboration avec le secteur des Parcs et promenades, ont d’ores et déjà identifié des emplacements potentiels supplémentaires qui seront proposés en 2020, sous réserve des budgets octroyés, à des apiculteurs locaux. D’autres employés de la Ville passionnés d’apiculture seront également consultés lors de la mise en place de ce projet. Cette action permettra finalement de sensibiliser la population sur l’alimentation régionale par le miel que ces ruches produiront.
Enfin, le Conseil communal souhaite promouvoir la biodiversité de manière large au sein de ses employés en intégrant, dans les futures offres d’emploi pour les jardiniers de la Ville, qu’une sensibilité prononcée pour une gestion responsable de l’environnement, dont la biodiversité, est souhaitable.
Le postulat n° 92 est ainsi liquidé.
[1] https://www.fr.ch/grangeneuve
[2] Insecte à métamorphose complète qui, comme les abeilles, guêpes, fourmis, possède quatre ailes membraneuses, inégales, des mandibules faites pour broyer, les autres pièces buccales pour lécher et aspirer les liquides.
[3] https://www.sbv-usp.ch/fr/la-commission-de-lenvironnement-agit-contre-la-disparition-des-insectes/
[4] https://www.energie-environnement.ch/maison/jardin/charte-des-jardins