Postulat n° 51 - Rapport final du Conseil communal

Réponse du Conseil communal

En réponse au postulat n° 51, le Conseil communal revient sur la problématique du gaspillage alimentaire et de l’aspect de la consommation responsable en général, avant de relever les leviers d’actions possibles de la Ville de Fribourg et citer les actions déjà réalisées ainsi que celles qui seront envisagées.

Le gaspillage alimentaire en Suisse

Notre capacité à augmenter notre propre production alimentaire est limitée. Cependant nos besoins ne cessent de croître. Près de 30% des atteintes environnementales de la consommation suisse sont imputables au domaine de l’alimentation par la surface de terrain, la consommation énergétique et l’utilisation de produits phytosanitaires et d’engrais (OFEV, 2011). S’il devient urgent d’avoir une production plus durable et de choisir des aliments plus économes en terme de ressources, il est également nécessaire d’éviter le gaspillage. La littérature relève que 10% de l’empreinte écologique helvétique est due au gaspillage d’aliments et chaque Suisse jetterait 94 kg de nourriture par an. Les quantités sont donc élevées et les impacts environnementaux, économiques, sociaux et éthiques importants. Quatre secteurs sont principalement mis en cause, incluant l’industrie alimentaire, l’agriculture, les commerces de détail et les consommateurs.

Au niveau fédéral, la réduction du gaspillage des aliments fait partie des objectifs du plan d’action "Économie verte 2013" par le biais duquel ont été créés notamment des mémentos à l’usage de l’industrie et du commerce de détail sur les thèmes du don d’aliments et du datage des denrées.

En 2013, le Canton a proposé un portefeuille d’actions au service des communes avec quelques idées pour limiter le gaspillage, comme la création de SEL[1] ou l’implémentation du label "fourchette verte".

Les leviers d’action de la Ville de Fribourg et les actions déjà réalisées

La Ville de Fribourg a vu naître ces dernières années quelques initiatives d’associations ou de commerçants, tels que la création d’une SEL proposant des annonces sur l’alimentation, "AtoutVrac" une épicerie sans emballage qui permet de réfléchir à ses quantités, "Frütile" contre le gaspillage des fruits et légumes, un "Äss-Bar" avec le pain frais du jour d’avant ou précédemment "Legumis", entreprise fondée par des gymnasiens. Les commerçants sont également contactés périodiquement par l’association "Table couvre-toi" qui redistribue les denrées à de nombreux bénéficiaires en ville de Fribourg.

Si ces initiatives traitent la problématique des invendus au niveau des commerces de détail, il est nécessaire actuellement de porter la priorité sur le consommateur, dernier maillon de la chaîne, qui représenterait près de 40% des pertes totales. La gestion des matières résiduelles doit être considérée et ces pertes doivent être valorisées au mieux. La consommation alimentaire chez le client doit donc devenir prioritaire, dans le sens où elle a un fort impact, notamment sur les changements climatiques, et qu’elle est une priorité dans les cibles de réduction des gaz à effet de serre.

Du côté du consommateur, les raisons du gaspillage sont principalement dues au manque de planification, aux achats trop volumineux, à la nourriture mal conservée, à une mauvaise compréhension des dates de durabilité minimale, aux quantités cuisinées trop importantes et aux trop grandes portions reçues au restaurant ou prises à domicile. Cependant, ces comportements coutumiers révèlent un défi lié au changement car ils sont inscrits dans des convictions ou des obstacles perçus ou réels par les consommateurs. Les causes indirectes sont principalement le manque de temps, le manque d’habileté ou de connaissances culinaires, les préoccupations de santé et économiques ou encore les préférences alimentaires.

Ainsi, pour espérer avoir un effet sur le gaspillage alimentaire mais également sur le mode de consommation alimentaire en général, la Ville de Fribourg doit susciter la motivation à agir chez les consommateurs, réussir à amener des outils pour modifier les attitudes face à la consommation et au gaspillage et offrir des connaissances et compétences au consommateur pour augmenter le sentiment de contrôle sur sa consommation et le gaspillage qui en résulte. De plus, elle doit chercher à valoriser au mieux ces déchets alimentaires. Ainsi, même si la Ville de Fribourg n’a que très peu de possibilités d’intervention au niveau des Mensas, cafétérias ou restaurants qui sont sur le domaine privé, elle détient des leviers d’actions possibles importants.

Ainsi, le premier instrument mis en place par la Ville de Fribourg visant principalement à l’époque une valorisation du gaspillage alimentaire a été de faire appel à une conseillère en compostage pour inciter les propriétaires à valoriser leurs restes déjà avant 2006. En 2006, les containers verts pour les déchets organiques ont été introduits et une enquête de satisfaction a été conduite. En 2018, la collecte et la valorisation des déchets ont été à nouveau réévaluées dans le but de les optimiser et une solution transitoire comprenant une partie de valorisation énergétique par méthanisation a été introduite.

De plus, la Ville a investi un site nommé "Pré fleuri" dans le cadre du projet "Fribourg (ou)vert" – projet de quatre nouveaux aménagements ludiques et paysagers dans le quartier du Schoenberg –, qui sera consacré à un jardin de plantage partagé cultivable dès 2019. Le projet de gestion du site, qui est conduit par la Cohésion sociale, prévoit d’intégrer différents acteurs du quartier à la pratique du jardinage (fondations, associations, écoles, etc.). Dans d’autres endroits et quartiers, notamment dans certaines écoles ou sur des sites tels que Bluefactory ou le Port de Fribourg, des bacs cultivés ont été réalisés par la Ville de Fribourg dans un objectif éducatif et/ou participatif pour la population. Ces actions visent, entre autres, une réappropriation des aliments par les consommateurs, par qui passe l’acquisition des bonnes pratiques alimentaires. Le fait que les consommateurs ne savent plus comment les aliments sont fabriqués accélère certainement le phénomène de gaspillage.

Visant le même objectif de sensibilisation, dès 2017, des actions ont été lancées, notamment lors de l’événement "The Meal" et du Marché Bio en 2017, par une conférence du secteur Energie et développement durable sur l’impact environnemental de l’alimentation ainsi que par la production d’un lexique de fruits et légumes de saison qui aujourd’hui encore fait l’objet d’une forte demande. De plus, à l’occasion du "World Fair Trade Day", le 12 mai 2018, la consommation locale et équitable a été mise à l’honneur par différentes activités au Port de Fribourg et finalement lors des Clean‑Up Days "Tu poutzes et tu bletzes", le 22 septembre dernier, où des associations actives dans la consommation responsable tels que "ZeroWaste", "the green drop" ou "reCIRCLE" ont été invitées par la Ville de Fribourg afin de partager leurs expériences et leurs bonnes pratiques avec la population.

Dès 2018, des actions de mesure du gaspillage alimentaires en Ville de Fribourg ont débuté, notamment par l’évaluation du poids de produits alimentaires évitables, non évitables, périmés et non périmés dans les sacs poubelle, et seront reconduites tous les quatre à cinq ans, afin de distinguer l’évolution des pratiques de consommation et de pouvoir rediriger les mesures si besoin pour lutter contre cette problématique.

Enfin, en ce qui concerne les six accueils extrascolaires, où la Ville de Fribourg peut avoir un levier d’action direct, avec près de 4’000 repas servis mensuellement, des mesures ont déjà été mises en place avec les quatre fournisseurs concernés. Ces mesures incluent notamment:

• La prévision du nombre de repas quelques jours à l’avance mais une confirmation du nombre de repas le jour même permettant d’ajuster au mieux le nombre de portions réellement servies.
• L’estimation systématique des portions "enfants" et "adultes".
• Leur retour au fournisseur pour une meilleure valorisation.
• Un retour d’évaluation hebdomadaire sur les quantités, la qualité et la satisfaction des enfants aux fournisseurs.
• Un entretien d’évaluation global prévu annuellement avec les fournisseurs. 

Les mesures que compte mettre en place le Conseil communal

La validation d’objectifs spécifiques par une vision à l’horizon 2030 et d’un portefeuille d’actions pour le programme de législature 2019-2022 feront l’objet des nouvelle mesures prise par le Conseil communal. C’est en ce sens, face aux enjeux considérables du gaspillage et plus globalement de la consommation alimentaire et la valorisation des déchets non évitables, que le Conseil communal veut placer la problématique de l’alimentation comme un des axes prioritaires dans sa future stratégie de développement durable.

Ces mesures dessinées viseront en particulier trois objectifs spécifiques:

• La promotion d’une agriculture durable et locale par l’incitation aux jardins privés et collectifs et d’agriculture urbaine.
• La transition vers une offre et une demande durables pour tous.
• La réduction du gaspillage alimentaire et sa valorisation.

Les mesures toucheront quatre champs d’actions, soit le territoire, les entreprises, les citoyens et projets tiers et l’administration. Ainsi, l’élaboration du portefeuille d’actions 2019-2022 en lien avec l’alimentation durable va s’organiser de la sorte:

Automne 2018 / Hiver 2018-2019

• Invitation à donner des recommandations pour la commune lors de différents événements tels que "Tu poutzes et tu bletzes", publications ou cartes de suggestions posées dans quelques restaurants ciblés de la ville. Un calendrier de l’Avent sera disponible au mois de décembre dans le bulletin communal "1700" pour inviter la population à participer à des "défis‑consommation alimentaire" et à apporter un récit ou des images de leurs créations, pensées et connaissances sur le sujet. Des interviews sont également planifiées avec certains représentants des milieux concernés.
• Création d’une proposition d’un portefeuille d’actions 2019-2022 incluant l’évaluation de la mise en place des mesures proposées dans le présent postulat. Consultation par le groupe de travail sur la consommation durable formé dans le cadre de la labellisation "Fair Trade Town", incluant des représentants d’associations, des restaurateurs et représentants politiques du Conseil général.
• Consultation du portefeuille par la commission du développement durable regroupant des représentants politiques, des membres du milieu académique et spécialistes du domaine, des représentants nationaux et cantonaux et des représentants d’associations. Priorisation des mesures proposées et évaluation économique pour dessiner le budget futur.
• En attendant la validation des paquets de mesures à l’horizon 2022 et 2030, des actions de sensibilisation et de collecte de données de base à la préparation de la stratégie et au déploiement du portefeuille de mesures seront conduites. Selon la littérature, on peut envisager de diminuer de 20% le gaspillage évitable sur un horizon de cinq ans avec un effort soutenu. Le Conseil communal propose donc, par le biais de mesures de sensibilisation, d’informer les citoyens de l’enjeu qui existe et de leur contribution personnelle qui permettrait ainsi une réduction à la source, entraînant une diminution des coûts. Un événement annuel traitant de la consommation des ressources et de l’alimentation, lancé en 2018 dans le cadre des semaines "Tu poutzes et tu bletzes", sera réitéré pour maintenir l’effort de manière continue sur le moyen et long terme. 

Voici quelques-unes des actions planifiées ou en cours:

Automne 2018 / Hiver 2018

• Constitution d’un groupe de travail pour intégrer ces nouvelles volontés politiques (par exemple optimisation de la valorisation des déchets verts) pour les inscrire dans le nouveau règlement sur les déchets prévu pour fin 2020.
• Promotion des boîtes réutilisables dans les "food trucks" et autres "take away" de la ville afin d’obtenir un effet indirect sur le gaspillage (les restes plus facilement gardés pour le soir) et un effet direct sur la production de déchets. Les restaurants participants reçoivent des moyens de communication pour afficher qu’ils acceptent les boîtes réutilisables et l’inscription à un système comme "reCIRCLE" leur est proposé. Les food trucks sont subventionnés (selon budgets alloués) durant deux ans pour l’intégration de ce nouveau procédé avant la mise en œuvre de la nouvelle réglementation sur les déchets.

Dès janvier 2019

• Intégration de la vaisselle réutilisable au sein de la commune par l’attribution d’une boîte durable par collaborateur (selon budgets alloués).
• Evaluation des méthodes de collecte de déchets verts et issus du gaspillage alimentaire pour une meilleure valorisation (selon budgets alloués).
• L'étude sur l’évaluation de la quantité de restes alimentaires évitables/non évitables/périmés/non périmés sera poursuivie et reconduite au moins tous les cinq ans, afin d’effectuer un monitoring des actions entreprises à long terme.

Mai-juin 2019

• Sensibilisation sur la charge écologique des produits consommés par une campagne (selon budgets alloués): création d’un "Pop-up shop" éphémère en ville de Fribourg proposant des produits phares avec leurs données de provenance, de coûts de revient et/ou de bilan CO2 (un produit local, un produit Fair Trade et un produit de consommation de masse) où le prix est défini par le client. Cet événement fera également partie du déploiement de la labellisation "Fair Trade Town" à laquelle la Ville a accepté d’adhérer.
• Journée ludique sur le thème du gaspillage et de la valorisation des restes alimentaires en cuisine dans le cadre du concours "Environnement et jeunesse 2018-2019" organisé par les Départements de l’instruction publique des cantons de Berne, Fribourg, Genève, Jura, Neuchâtel, Valais et Vaud.

Dès septembre 2019 

• Concours inter-entreprises pour un prix annuel de développement durable sur la thématique: "Votre Cafet’ agréable et durable!" (selon budgets alloués).
• Evénement "Tu poutzes et tu bletzes" déjà conduit en 2018 et réitéré sur la consommation responsable en présence d’associations telles que "ZeroWaste", "the green drop", "reCIRCLE", etc. pour faciliter la communication au grand public sur cette thématique.
• Publications mensuelles dans la rubrique "Echo" du secteur Energie et développement durable dans le bulletin communal "1700" sur la thématique de la consommation alimentaire responsable.

Courant 2019

• Constitution d’un groupe de travail afin de repenser l’approvisionnement dans les accueils extrascolaires de la Ville de Fribourg.

Par ces premières mesures et par la création du portefeuille d’actions, la Ville de Fribourg souhaite susciter un intérêt et une prise de conscience au niveau des entreprises, des citoyens et de l’administration, afin de diminuer les coûts environnementaux, sociaux et économiques dus à la consommation alimentaire, au gaspillage et au traitements des déchets alimentaires.

Le postulat n° 51 est ainsi liquidé.
 

[1] La SEL est une société d'exercice libéral créée entre plusieurs personnes physiques ou morales pour l'exercice d'une profession libérale réglementée.