Question n° 285 (2021-2026) - Suppression de la branche chauffage-sanitaire-ferblanterie de SINEF SA 

J.-T. Vacher (Le Centre/PVL) 

Question

Je déclare mes liens d’intérêt, je suis secrétaire patronal de Suissetec Fribourg, soit l’association professionnelle de la technique du bâtiment.

En 2018, SINEF, société dans laquelle la Ville de Fribourg est la seule et unique actionnaire, rachetait l’entreprise Michel Brulhart SA, active dans les domaines du chauffage, de la ventilation et du sanitaire. Acquise en 2019, on apprend cet automne 2024, par une rapide communication dans notre journal régional, que SINEF se sépare de cette branche, arguant un domaine "fortement concurrentiel", qui entraînerait "une pression croissante sur les collaborateurs et menaçait la formation et la relève au sein de l’entreprise". J’avoue avoir été quelque peu étonné à la lecture de cet article.

Comment expliquer que SINEF, pouvant compter sur un financement étatique, soit autant en difficulté dans une branche en plein essor en raison de la transition énergétique?

Que devraient dire les entreprises travaillant dans la branche en lisant que cette forte pression pèse sur la formation au sein de l’entreprise, alors qu’elles sont nombreuses à s’investir corps et âmes pour la formation de leurs apprentis et collaborateurs en assumant tous les risques?

Je souhaiterais maintenant savoir:

-           Quel a été le coût pour les contribuables de notre cité de ces opérations financières (rachat de l’entreprise Michel Brulhart SA, investissements effectués depuis, …)?

-           Quels sont les résultats des bouclements annuels entre 2018 et 2024 de la partie "Michel Brulhart SA" de SINEF?

-           Qu’est-ce qui a amené le Conseil communal, par le biais de SINEF, à s’engager sur cette voie ?

-           Quelles conclusions le Conseil communal tire-t-il de cet échec?

         Est-ce qu’à la suite de cet échec et de la fermeture du département, la stratégie de vouloir concurrencer le marché libre a été revue ?

         Est-ce que le Conseil communal envisage de s’aventurer dans d’autres domaines économiques que celui d’administrer la Ville?

Réponse du Conseil communal

Contexte général

En préambule, il est important de fournir quelques explications sur le contexte de la création de SINEF SA, afin de comprendre son fonctionnement. Historiquement, les Services Industriels de la Ville de Fribourg, créés en 1947, offraient des prestations dans le domaine de l’eau et de l’énergie, non seulement sur le territoire communal, mais également pour d’autres entités. Cet établissement de droit public, sous la direction du Conseil communal, avait atteint les limites de sa structure. En effet, les règles applicables aux collectivités publiques ne permettaient plus de faire face aux exigences du marché.

 

De ce fait, une société anonyme de droit privé a été constituée en 2015, approuvée à l’unanimité par le Conseil général. Elle est active dans différents secteurs, le principal étant lié au cycle global de l’eau.

Gouvernance et marchés

Au niveau opérationnel, la société SINEF SA est régie par le Code des obligations, sous la responsabilité de son Conseil d’administration. SINEF SA étant une société de services et non d’infrastructures, elle n’investit pas directement dans la transition écologique, bien qu’elle soit active dans des secteurs très en lien avec cette problématique, notamment s’agissant des prestations effectuées dans le cadre de la construction de réseaux de chauffage à distance et le cycle de l’eau. Plus particulièrement, les attributions relatives à la transition énergétique sont déférées à des sociétés dédiées en main de la Ville de Fribourg, par exemple la société Particip SA. Si SINEF SA fournissait l’ensemble des prestations de construction, de maintenance et de conseils sur le cycle de l’eau, il lui manquait la partie CVS (chauffage-ventilation-sanitaire) à l’intérieur des bâtiments. La volonté de déployer l’activité de l’entreprise sur l’ensemble du cycle a été la base de la décision de la création de SINEF Installation SA par le rachat d’une entreprise active sur ce marché.

Le cas particulier de SINEF Installation SA

La croissance d’un marché donné ne signifie pas nécessairement qu’il soit attractif ou constitue une véritable opportunité pour tous les acteurs. Le secteur du bâtiment, fortement concurrentiel, est composé d’entreprises de petite taille et de quelques sociétés nettement plus importantes. Or, SINEF Installation SA, avec sa quinzaine de collaborateurs, se situait dans un intermédiaire peu propice et cela constituait un handicap majeur. En effet, dans le cadre de projets de petite envergure, comme les installations CVS destinées aux habitations individuelles, ses charges structurelles étaient trop élevées pour offrir des tarifs compétitifs. SINEF Installation SA était difficilement concurrentielle. À l’inverse, pour des projets de grande ampleur, elle n’était simplement pas de taille. Pour être performante sur ce type de mandats, SINEF Installation SA aurait été contrainte d’opérer un grand développement de l’entreprise en termes de ressources. De plus, le marché a fortement évolué. Au même titre que de nombreux acteurs présents dans le domaine, SINEF Installation SA a constaté une forte baisse dans la technique du bâtiment depuis plusieurs mois.

La décision a donc été prise de se retirer du marché de l’installation intérieure, sans que cela ait une influence sur les autres domaines d’activité de SINEF SA. Même s’il semblait stratégiquement judicieux d’accéder à un nouveau marché en 2019, l’expérience acquise durant ces cinq ans a démontré que sans les changements précités, la structure n’était pas pérenne. Le Conseil d’administration de SINEF SA a décidé de se recentrer sur ses compétences-clés dans les domaines de l’eau et de l’énergie avec sa mission de garantir la sécurité d’approvisionnement en apportant son expertise, en construisant et exploitant des réseaux d’eau, de chaleur à distance ainsi que de gaz.

 

Réponses aux questions

 

  1. Quel a été le coût pour les contribuables de notre cité de ces opérations financières (rachat de l’entreprise Michel Brulhart SA, investissements effectués depuis, …)?

     

    Le contribuable de la Ville de Fribourg n’est pas impacté par les résultats de SINEF SA. La société étant une personne morale, elle ne dépend pas de la Ville de Fribourg et est totalement autonome sur le plan financier. Le Conseil d’administration de SINEF SA a mené une réflexion stratégique étayée, qui a conduit à la décision de clôturer le marché de sa filiale SINEF Installation SA.

     

  2. Quels sont les résultats des bouclements annuels entre 2018 et 2024 de la partie "Michel Brulhart SA" de SINEF SA?

     

    Le résultat opérationnel de SINEF SA a toujours été positif depuis sa création. Les chiffres détaillés relèvent de la sphère interne de la société et ne sont pas publiés.

     

  3. Qu’est-ce qui a amené le Conseil communal, par le biais de SINEF SA, à s’engager sur cette voie?

     

    Avant tout, il convient de rappeler que ce n’est pas le Conseil communal, mais le Conseil d’administration de SINEF SA qui décide de procéder à une telle opération de rachat d’une société. L’acquisition de la société Michel Brulhart SA en 2018 par la société SINEF SA, ainsi que la reprise de ses collaborateurs, a été motivée par une volonté stratégique de SINEF SA de diversifier ses activités pour pouvoir offrir à ses clients des prestations couvrant l’ensemble du cycle de l’eau d’une part, et de marquer sa présence dans le domaine de la chaleur, par exemple les pompes à chaleur, d’autre part.

     

    Au niveau du cycle global de l’eau, SINEF SA était présente de la source jusqu’au rejet de l’eau dans son milieu naturel mais n’offrait pas de prestation à l’intérieur des bâtiments. Le rachat de cette filiale a permis de combler ce manque. La réalité du marché n’est cependant pas comparable avec les autres domaines d’activité de SINEF SA, notamment en termes de nombre de concurrents. Il en va de même dans le domaine de la chaleur.

     

    Comme précité, le Conseil d’administration de SINEF SA a donc mené une réflexion stratégique qui a conduit à la décision de clôturer le marché de sa filiale SINEF Installation SA.

     

  4. Quelles conclusions le Conseil communal tire-t-il de cet échec?

     

    Une fois de plus, ce n’est pas au Conseil communal mais bel et bien au Conseil d’administration de tirer les conclusions des expériences vécues avec les entités rachetées. Cela dit, le véritable échec aurait été de s’obstiner et d’accumuler des pertes qui auraient porté préjudice à l’entreprise. Lors de l’entrée sur le marché, l’existence d’une opportunité était bien réelle et les indicateurs étaient bons. Le fait que la situation du marché évolue et que l’on fasse le constat six ans plus tard que la poursuite de l’activité n’est plus propice pour l’entreprise dans son ensemble constitue un choix stratégique et non un constat d’échec. Ceci dit, il est naturel qu’une telle décision laisse un goût d’inachevé et soulève des questions.

     

    Il faut néanmoins souligner que la clôture a été bien menée. Une solution a été trouvée pour chacun des collaborateurs de SINEF Installation SA et tous, sans exception, se sont vu offrir de nouvelles opportunités. Par ailleurs, les autres unités d’affaires n’ont pas été impactées par la fermeture.

     

  5. Est-ce qu’à la suite de cet échec et de la fermeture du département, la stratégie de vouloir concurrencer le marché libre a été revue?

     

    La révision de la stratégie fait partie des devoirs assignés aux membres d’un Conseil d’administration. Il s’agit donc d’un exercice réalisé de manière périodique.

     

    Cette expérience a permis au Conseil d’administration de SINEF SA de requestionner sa stratégie. Ces éléments ont été intégrés dans la révision stratégique 2024-2029 menée au printemps de cette année. S’il a été, dans les grandes lignes, décidé de se recentrer sur ses marchés historiques et de développer ses prestations autour des infrastructures hydriques, il demeure sur des marchés libéralisés. Les compétences et le savoir-faire des collaborateurs constituent la force de SINEF SA et sont reconnus par ses pairs et ses clients. Il n’y a donc aucune raison, à ce jour, d’abandonner d’autres secteurs.

     

  6. Est-ce que le Conseil communal envisage de s’aventurer dans d’autres domaines économiques que celui d’administrer la Ville?

     

    Une fois de plus, ce n’est pas le Conseil communal mais le Conseil d’administration qui définit la stratégie d’entreprise. Cela dit, il convient de relever que le cycle de l’eau est une prérogative publique, tandis que le domaine de l’énergie est intrinsèquement lié à des tâches privées. La frontière entre le privé et le public est mince et il est indéniable qu’il existe un intérêt public prépondérant à ce que les pouvoirs publics conservent un regard sur ces activités. Il faut noter que grand nombre de collectivités publiques sont actives sur le marché pour toute sorte d’activités avec un modèle de gouvernance analogue par l’intermédiaire d’une société autonome.

     

    Les attentes des particuliers envers les pouvoirs publics ont tendance à s’accroître. La responsabilité et les services offerts doivent répondre aux besoins en termes de qualité et de sécurité. Le fait de créer des structures agiles, capables de s’adapter et de réagir plus rapidement qu’une collectivité publique, s’inscrit dans une démarche de recherche d’efficacité tout en préservant les intérêts des administrés.

     

    Enfin, les enjeux environnementaux obligent à tenir compte d’autres aspects, tels que la durabilité. La préservation des ressources vitales relève d’un intérêt public primordial et, de ce fait, il est de la responsabilité des entités publiques de s’en préoccuper, dans le cadre des attributions qui lui sont dévolues, en particulier dans les domaines de l’eau et de l’énergie.

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